Sillons

Parce qu’un jour une spectatrice lui avait demandé comment il « mangeait » l’espace scénique, Brahim Bouchelaghem a eu l’idée de cette pièce à six interprètes pour occuper tout le plateau : le tapis, mais aussi la pente et le mur, l’horizontal et le vertical, le lent et le rapide, le solo, le duo et le groupe, pour exprimer l’énergie démultipliée (« comme un caillou lancé dans une flaque d’eau », dit-il joliment). Restant fidèle à ses débuts, autodidactes, qui l’amènent à travailler avec Mourad Merzouki ou Kader Attou, il creuse ici son chemin vers une danse qui n’a rien perdu de l’énergie première du hip-hop à laquelle il insuffle sa propre gestuelle. Dans un décor où les marques de baskets laissées sur le tapis de sol sont exposées telles des partitions graphiques, les danseurs, chacun virtuose dans son style (certains viennent du hip-hop, d’autres de la danse contemporaine), incarnent une danse à la fois délicate et généreuse, poétique et puissante. Ils arpentent le plateau avec ardeur, le piétinent, le décomposent, le pressent jusqu’à en extraire le sens, les tapis devenant chemins, lignes de vie, sur lesquels le spectateur se perd et construit sa propre histoire de ce spectacle hypnotisant qui sillonnera longtemps notre souvenir !